Un vent de discorde souffle sur les rives du grand lac de Desnes, dans le Jura. Ce plan d’eau, jadis lieu de détente estival prisé des familles, promeneurs et campeurs, est au cœur d’une vive controverse depuis la décision de la communauté de communes Bresse Haute Seille, propriétaire du site, d’en interdire la baignade pour le dédier quasi exclusivement à la pêche sportive. Une mutation qui, pour beaucoup d’habitués et de riverains, sonne comme une privatisation déguisée et une perte d’un espace de convivialité partagé.

Préservation environnementale et lutte contre les incivilités : les arguments des élus

La communauté de communes, qui gère le site depuis les années 1980, justifie ce changement radical par une double nécessité : la préservation de l’environnement et la lutte contre les incivilités récurrentes. Chaque été, le lac était en effet le théâtre de feux sauvages, de dépôts de déchets et de comportements jugés irrespectueux, dégradant la qualité du site. Pour accompagner ce virage, une société spécialisée a été mandatée pour installer des équipements adaptés à la pêche et pour gérer le plan d’eau. La pratique privilégiée sera le “no kill”, où les poissons sont systématiquement relâchés après capture, une approche se voulant respectueuse du milieu aquatique. Les élus assurent qu’il ne s’agit pas d’une privatisation, le site demeurant propriété collective, et qu’une petite zone de baignade – bien plus restreinte qu’auparavant – serait maintenue.

“Injustice et exclusion” : la colère des usagers et des riverains

Ce discours peine cependant à apaiser la colère et l’incompréhension d’une grande partie des usagers. Pour eux, cette transformation s’apparente à une confiscation d’un bien commun au profit d’une seule activité, transformant un lieu d’accès libre en un espace payant et réservé, avec des postes de pêche aménagés dont les modalités d’accès manquent encore de transparence selon certains. La baignade, bien qu’officiellement interdite depuis plusieurs années, était largement tolérée et était devenue une véritable tradition estivale, un rituel pour de nombreuses familles de Desnes et des environs.

La contestation ne s’est pas fait attendre : une pétition en ligne a rapidement recueilli des signatures, les témoignages indignés se sont multipliés sur les réseaux sociaux, et certains n’hésitent pas à menacer de franchir les futures barrières pour continuer à profiter du lac. “Avant, on venait avec les pêcheurs et on ne les dérangeait pas. On respecte la nature, on prend nos déchets. S’il faut pousser le grillage, on le poussera,” confie une habitante, exprimant un sentiment d’injustice largement partagé. Pour beaucoup, la perte de ce qui était perçu comme le seul site de baignade en accès libre dans le secteur est vécue comme une rupture du lien social et une atteinte au droit fondamental d’accès à la nature.

Un conflit d’usages révélateur des tensions sur les espaces naturels

 

Au-delà de la polémique locale, l’affaire du lac de Desnes met en lumière un conflit d’usages de plus en plus fréquent dans nos territoires : comment concilier la nécessaire protection de la biodiversité, le développement de loisirs populaires et les éventuels intérêts économiques ou de gestion spécifique ? Si la préservation de l’environnement est un impératif unanimement reconnu, la manière d’y parvenir et les restrictions qu’elle implique peuvent susciter de vives tensions lorsqu’elles sont perçues comme une exclusion.

La question qui se pose à Desnes, et qui résonne dans de nombreuses autres communes, est celle de la gouvernance des espaces naturels partagés. Comment assurer un dialogue transparent et inclusif entre les élus, les gestionnaires et les différents usagers pour aboutir à des solutions équilibrées et acceptées ? Car pour que la nature reste un bien commun accessible et apprécié de tous, la concertation, le respect mutuel et un sentiment d’équité dans l’accès à ses bienfaits semblent indispensables. L’avenir du grand lac de Desnes sera sans doute un indicateur de la capacité d’un territoire à naviguer ces eaux parfois troubles.

(Source : Informations issues de communications publiques concernant le lac de Desnes)