Prenez le désir le plus simple, le plus universel, le plus noble : la paix. Faites-en le cœur de votre discours. Puis, par une habile alchimie rhétorique, transformez ce désir en une arme, ce souhait en un programme, cette aspiration en un ordre de mobilisation. Vous obtiendrez alors la quintessence de la communication politique radicale, tel que le déploie le mouvement Les Patriotes dans son dernier appel.

La première étape consiste à forger l’ennemi. Le décor est planté avec une efficacité redoutable : un « comité de guerre » à l’Élysée, une présidente de la Commission européenne en « tournée des frontières », des usines d’armement qui tournent à plein régime. Chaque image est choisie pour construire la vision d’un bloc monolithique, l’UE-Macronie, qui ne rêve que de feu et de sang pour asseoir son pouvoir. La guerre n’est plus un risque lointain, elle est un projet imminent, une mécanique infernale déjà en marche.

C’est sur ce terreau de la peur que s’opère la transmutation. Puisque le pouvoir veut la guerre, vouloir la paix ne peut plus être une simple opinion. Cela devient un acte de sédition. Le pacifisme est confisqué, arraché à sa neutralité pour devenir le carburant d’un programme insurrectionnel. Soudain, pour être un véritable artisan de paix, il ne suffit plus de le souhaiter ; il faut exiger le Frexit, réclamer la sortie de l’OTAN, refuser l’OMS, et surtout, appeler à la démission du chef de l’État.

Le glissement est vertigineux. La paix, ce bien commun, devient la propriété exclusive d’un camp, et la condition pour l’obtenir est l’adhésion totale à un agenda politique qui n’a plus grand-chose à voir avec la diplomatie. La désobéissance civique est rebaptisée « résistance », l’appel à l’armée à ne pas obéir est présenté comme un sursaut patriotique. Chaque mot d’ordre radical est légitimé par le sentiment le plus pur.

C’est là le génie et le danger d’une telle rhétorique. Elle offre une réponse simple à une angoisse complexe. Elle donne aux citoyens le sentiment d’agir pour une cause juste et universelle, tout en les enrôlant sous une bannière très spécifique. En confisquant la paix, on s’approprie la morale et on transforme l’adversaire politique non plus en un contradicteur, mais en un ennemi de l’humanité. Une stratégie aussi vieille que la politique, mais qui retrouve, dans notre époque de tensions, une redoutable jeunesse.