Certains discours qui, au-delà de leur auteur, agissent comme des sismographes. Ils enregistrent les secousses, les lignes de faille qui parcourent le pays bien mieux que n’importe quel communiqué officiel. La dernière intervention de Florian Philippot, publiée ce 25 juillet, est de cette nature. Ce n’est pas tant une déclaration qu’une cartographie des angoisses d’une France qui se sent dépossédée.
Le premier symptôme, et le plus criant est celui de l’effondrement industriel. Le chiffre, asséné comme un coup de boutoir, est brutal : vingt usines fermées en un seul mois. Derrière la statistique froide se dessine le paysage d’une désindustrialisation qui n’est plus une théorie économique, mais une réalité tangible, un cimetière de savoir-faire. Philippot pointe la double tenaille de l’euro et des directives européennes, accusées d’interdire le patriotisme économique. La question qu’il soulève, au fond, est celle d’une souveraineté devenue un mot creux, un principe illégal dans un marché où la préférence nationale est un délit. Comment s’étonner, dès lors, que le tissu productif se déchire ?
Le second abîme est celui de l’autorité de l’État, perçue comme à la fois brutale et impuissante. On assiste à un étrange grand écart. D’un côté, des blindés de la gendarmerie qui défilent le 14 juillet et le remplacement soudain du chef d’état-major des armées, gestes interprétés comme les prémices d’un pouvoir qui se prépare à des troubles intérieurs, lorgnant peut-être vers les pouvoirs exceptionnels de l’article 16. De l’autre, une indifférence perçue face à la profanation répétée d’églises, symboles d’un héritage culturel laissé à l’abandon. Cette dualité nourrit le sentiment d’un État qui se hérisse contre son propre peuple tout en semblant incapable de protéger ce qui le fonde.
Enfin, le troisième vertige est celui de la légitimité. L’affaire judiciaire du couple Macron contre la journaliste américaine Candace Owens, loin d’éteindre la polémique, l’a internationalisée. Le procès, perçu comme une tentative de bâillon, est devenu une caisse de résonance mondiale. La question posée par Philippot est simple, presque enfantine dans sa logique : pourquoi une réfutation si complexe et coûteuse quand des preuves simples, familiales, pourraient clore le débat ? Ce silence apparent sur le terrain de l’intime, couplé au procès sur le terrain juridique, crée un espace de doute qui ronge la confiance.
Entre les appels à manifester, la promotion d’une primaire souverainiste et la critique acerbe des décisions de Bruxelles, le discours de Florian Philippot tisse la toile d’une France au bord de la rupture. Une France où l’économie, l’autorité et la légitimité semblent s’effondrer en direct, laissant les citoyens spectateurs d’un spectacle qui n’a rien de rassurant.