Le Colza en Bresse : Une Culture en Adaptation entre Plaine et Innovations

Par MORENO-LOPEZ Manuel, pour KATARI – Le 17 avril 2025

Au printemps, le jaune éclatant des champs de colza illumine les paysages bourguignons. Culture essentielle aux côtés du blé et de l’orge dans les systèmes céréaliers régionaux, le colza joue un rôle agronomique de premier plan. Si la Bresse ne constitue pas le cœur historique de cette production en Bourgogne – rôle plutôt dévolu à la Côte-d’Or ou l’Yonne –, elle n’en est pas moins un territoire où cette oléagineuse trouve une place croissante et stratégique, s’adaptant aux défis locaux.

Pilier des rotations, même en Bresse

Traditionnellement, les assolements bressans privilégient le maïs, le blé et le tournesol. Cependant, le colza s’y intègre de plus en plus comme tête de rotation. Ses atouts sont indéniables et reconnus dans toute la Bourgogne : restitution d’azote au sol, aide à la gestion des adventices, rupture des cycles parasitaires des céréales. Cet “effet précédent” bénéfique sur le blé suivant représente un gain économique non négligeable, surtout avec la flambée du coût des engrais. Des exploitations bressanes ou limitrophes, comme celle de Tanvol à Viriat (Ain), lui consacrent déjà une part de leurs surfaces, tandis que des plateformes d’essais, comme à Serrigny-en-Bresse, affinent son adaptation locale. Les données Agreste indiquent d’ailleurs des conditions de levée plutôt correctes à l’automne 2023 sur le secteur, malgré les vigilances printanières liées au gel.

La crise des altises : un défi régional, des réponses bressanes

Comme l’ensemble de la Bourgogne, la Bresse n’a pas été épargnée par la crise des altises dans les années 2010. Les larves de cet insecte ravageur, attaquant les racines, ont provoqué des chutes de rendement dramatiques (jusqu’à -60% rapportés en 2020 au niveau régional), aggravées par les restrictions réglementaires sur les insecticides. “Un pied qui fait 30 à 40 grammes ne supporte pas plus de cinq larves”, expliquait Élodie Joudelat, conseillère technique dans l’Yonne, illustrant la fragilité de la jeune plante. Face à ce défi majeur, la Bresse a aussi exploré des pistes : l’utilisation de couverts végétaux associés (comme le trèfle) pour protéger le colza est testée. Le tournesol, culture phare locale, a pu servir de relais temporaire durant les années les plus critiques.

Innovation et débouchés locaux comme moteurs

La sortie de crise progressive, observée au niveau régional grâce à l’innovation semencière (variétés précoces à croissance rapide), trouve un écho particulier en Bresse avec le développement de débouchés locaux. L’usine Nutralp à Bâgé-Dommartin (Ain), aux portes de la Bresse, en est un symbole fort. Depuis mars 2024, cette unité coopérative triture du colza (objectif initial de 5 000 tonnes/an) aux côtés d’autres oléoprotéagineux. Son but : renforcer l’autonomie protéique des nombreux élevages locaux, un enjeu économique crucial pour le territoire bressan.

Un “laboratoire” face aux contraintes

Malgré ces avancées, la culture du colza en Bresse reste soumise aux spécificités et contraintes locales. Les excès d’eau printaniers, fréquents dans certaines zones, augmentent les risques sanitaires pour les racines. Le déficit d’ensoleillement en fin de cycle peut aussi impacter le potentiel de rendement. Ainsi, la Bresse se dessine moins comme un bassin de production massive de colza que comme un territoire d’adaptation et d’innovation agronomique. Elle reflète, à son échelle, les défis plus larges de l’agriculture : concilier rendement, transition écologique face aux contraintes réglementaires et climatiques, et développement de filières locales créatrices de valeur. Le colza, ici comme ailleurs en Bourgogne, est une culture sentinelle, dont l’avenir se joue sous haute surveillance technique et économique.

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