Pendant que nos écrans s’agitent sur le dernier “drama” politicien ou la gifle supposée d’une Première Dame, une guerre, la plus meurtrière depuis 1945, se déroule dans un silence assourdissant. Depuis des décennies, l’est de la République Démocratique du Congo est le théâtre d’un conflit qui a déjà fait plus de six millions de morts, déplacé sept millions de personnes, et où le viol et l’enrôlement d’enfants sont devenus des armes de guerre banalisées. Un drame humain absolu, pourtant presque absent des radars de nos grands médias. Pourquoi ce silence ?
La réponse est aussi simple que dérangeante : parce que cette guerre est, en partie, la nôtre. Ce n’est pas une simple guerre civile, mais une guerre économique impitoyable pour les ressources. Le sous-sol congolais regorge de cobalt, de lithium, d’or, de diamants ; des minerais indispensables à la fabrication de nos smartphones, de nos ordinateurs, de nos batteries de voitures électriques. La richesse inouïe du Congo est sa malédiction. Et notre confort technologique se nourrit, indirectement, de son chaos.
Expliquez-moi le paradoxe : comment l’un des pays les plus riches de la planète peut-il abriter l’un des peuples les plus pauvres et les plus meurtris ? La réponse se trouve dans la chaîne de prédation qui commence sur le terrain. Des groupes armés, comme le tristement célèbre M23 soutenu militairement par le Rwanda voisin (comme le confirment de nombreux rapports de l’ONU et des États-Unis), sèment la terreur pour contrôler les mines. Ils rasent des villages, massacrent, violent, pour s’approprier les ressources.
Mais ces milices ne sont que le premier maillon. Derrière elles, se cachent les intérêts de multinationales qui profitent de cette instabilité pour exploiter ces minerais stratégiques à moindre coût, sans se soucier des conditions humaines ou environnementales. Et c’est là que le silence de nos médias devient une complicité morale intolérable.
Car enquêter sérieusement sur le drame congolais, ce ne serait pas seulement montrer des images de souffrance lointaine. Ce serait devoir expliquer à des millions de consommateurs français que le smartphone qu’ils tiennent dans la main est peut-être taché du sang d’un enfant-soldat. Ce serait devoir questionner les pratiques des géants de la tech. Ce serait devoir admettre que notre modernité a un coût humain effroyable que nous préférons ignorer. C’est bien plus dérangeant qu’un débat sur le dernier dérapage verbal d’un ministre.
Alors, la presse française choisit la facilité : le silence, ou un traitement anecdotique et dépolitisé. Elle préfère nous anesthésier avec des sujets futiles plutôt que de nous confronter à notre propre part de responsabilité dans la tragédie.
En tant que chroniqueur, en tant que citoyen, je refuse cette omerta. Le silence est complice. La vie d’un Congolais vaut celle de n’importe quel autre être humain. Et notre devoir, si nous prétendons encore défendre des valeurs humanistes, est de regarder cette vérité en face, aussi dérangeante soit-elle. Ne les laissons pas tomber dans l’oubli.
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Comprendre les racines profondes de ce conflit, les enjeux géopolitiques complexes et les mécanismes de la prédation économique est une première étape essentielle pour sortir de l’indifférence. Les discours simplistes ne suffisent pas. Pour ceux qui souhaitent aller au-delà de l’émotion et se doter d’outils d’analyse, plusieurs ouvrages de fond permettent de décrypter cette tragédie.
Cet ouvrage, consacré à l’évolution récente de l’armée loyaliste congolaise, les FARDC, est une étude descriptive, analytique et synthétique des réformes entreprises depuis leur création en 2003 jusqu’en 2014. L’ouvrage met en lumière les avancées et les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre de la réforme des FARDC. Une réforme – dévoyée – qui a dérivé du cadre conceptuel initial défini lors de élaboration et dont l’objectif consistait en la formation d’une armée nationale, restructurée et intégrée.
