Sous le soleil écrasant du Gard, la modernité a montré sa terrible fragilité. Un incendie violent près de Roquemaure, et c’est tout l’axe TGV Sud-Est, ce fleuron de la vitesse et de l’efficacité française, qui se retrouve paralysé. Des centaines de pompiers, des Canadairs, une mobilisation exceptionnelle… L’aléa est une chose, et leur travail est à saluer. Mais ce qui restera de cette soirée d’angoisse pour les centaines de voyageurs pris au piège, c’est moins le spectacle des flammes que le silence assourdissant d’une institution qui semble avoir oublié que derrière chaque billet vendu, il y a un être humain.
Car l’épreuve vécue par ces passagers va bien au-delà du simple retard. Elle raconte une histoire de déshumanisation glaçante. Rester bloqué jusqu’à six heures dans une rame surchauffée, parfois sans climatisation, sans distribution d’eau, est déjà pénible. Mais le faire avec des informations parcellaires, tardives, ou totalement absentes, c’est être traité non plus comme un client ou un citoyen, mais comme un simple colis, une marchandise que l’on a momentanément “garée” sur une voie de service.
La communication de crise de la SNCF, ou plutôt son absence, est symptomatique d’une dérive profonde des grandes institutions publiques. Face au chaos, la première réaction semble être le verrouillage de l’information. On conseille laconiquement de “reporter son voyage”, magnifique solution quand on est déjà piégé dans le train. On renvoie les usagers vers une application mobile ou les réseaux sociaux, comme si la technologie pouvait remplacer une parole humaine, claire, régulière et empathique d’un chef de bord ou d’un agent en gare. Le message implicite est terrible : “Nous avons un problème, nous le gérons entre nous, vous, les usagers, attendez et ne nous dérangez pas.”
Cette gestion de crise révèle une institution qui a peur, qui se protège, qui préfère le silence prudent au dialogue risqué. Elle oublie qu’en situation d’incertitude et d’inconfort, la première attente d’un voyageur n’est pas forcément une solution miracle, mais une information honnête et continue. Savoir pourquoi on est bloqué, avoir une estimation (même approximative) de la durée, se sentir considéré, voilà ce qui peut transformer une épreuve subie en un désagrément partagé.
Cet incendie est une métaphore. Il met en lumière non seulement la vulnérabilité de nos infrastructures face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents, mais surtout la fragilité de la relation de confiance entre les services publics et ceux qu’ils sont censés servir. Plutôt que de voir les usagers comme une source de problèmes en cas de crise, il serait peut-être temps de les considérer comme des partenaires. Une communication transparente et humaine n’aurait pas fait repartir les trains plus vite, mais elle aurait sans doute rendu l’attente moins amère, et l’institution, un peu moins lointaine et méprisante.