Les conversations de jardin, au détour d’une allée ou par-dessus une clôture, recèlent parfois des trésors de savoirs simples, transmis ou redécouverts. Récemment, lors d’une rencontre fortuite à Saint-Germain-du-Bois, la discussion dériva sur cette plante si familière de nos potagers bressans et saône-et-loiriens : la rhubarbe. Vigoureuse, presque exubérante avec ses larges feuilles, elle nous régale de ses pétioles acidulés. Mais que faire de ce feuillage imposant, non comestible, souvent destiné au compost ? Mon interlocuteur, jardinier avisé, partagea alors une astuce aussi écologique qu’efficace, une sorte de sagesse végétale pour déjouer les assauts des pucerons.
Face à l’invasion discrète mais tenace des pucerons, qui affaiblissent rosiers et légumes en pompant leur sève, le recours aux produits chimiques n’est plus une évidence pour nombre de jardiniers soucieux de la biodiversité. C’est là qu’intervient le pouvoir méconnu des feuilles de rhubarbe. Riches en acide oxalique (ce qui les rend impropres à la consommation), elles possèdent des propriétés répulsives naturelles. Il ne s’agit pas d’un insecticide qui éradique, mais d’un insectifuge : une préparation qui, par son odeur ou sa composition, incite les indésirables à chercher refuge ailleurs.
La beauté de cette méthode, soulignée par mon interlocuteur de Saint-Germain-du-Bois, réside dans son incroyable simplicité et sa gratuité. Nul besoin d’être un alchimiste chevronné ; une simple macération suffit. La recette ? Prenez environ 200 grammes de ces larges feuilles fraîches, découpez-les grossièrement et plongez-les dans un litre d’eau – idéalement de l’eau de pluie, moins chargée en chlore que celle du robinet. Couvrez le récipient et laissez la nature opérer pendant vingt-quatre heures, dans un coin tempéré (autour de 20°C) et à l’abri du soleil.
Le lendemain, le liquide obtenu, véritable concentré des principes actifs de la rhubarbe, est prêt. Il suffit de le filtrer avec soin (une étamine ou un filtre à café fin feront l’affaire pour ne pas boucher le pulvérisateur) et de l’utiliser pur, directement sur le feuillage des plantes colonisées. L’action étant répulsive et la préparation ne se conservant pas, il peut être nécessaire de renouveler l’application plusieurs fois dans la journée pour maintenir l’effet.
Cette astuce, rappelle combien l’observation attentive de notre environnement proche peut nous offrir des solutions durables. Valoriser ainsi les feuilles de rhubarbe, c’est transformer un “déchet” vert en allié du jardinier, c’est renouer avec des pratiques respectueuses du vivant, et c’est peut-être aussi retrouver le plaisir de ces savoirs simples, échangés au fil d’une conversation, qui font tout le sel du jardinage et de la vie locale. Un regard neuf sur une plante commune, pour un jardinage plus malin et plus en phase avec la nature qui nous entoure.
Après ces vingt-quatre heures de trempage, la préparation est prête. Il ne reste plus qu’à la filtrer méticuleusement – l’utilisation d’un filtre très fin est recommandée pour éviter de boucher la buse du pulvérisateur – et à la verser telle quelle, sans dilution, dans l’appareil. La pulvérisation se fait directement sur le feuillage des plantes infestées par les pucerons ou d’autres petits insectes piqueurs. Comme il s’agit d’un répulsif et non d’un insecticide radical, et que la préparation ne se conserve pas, il ne faut pas hésiter à renouveler l’opération plusieurs fois dans la journée si nécessaire, jusqu’à épuisement du produit.
Cette astuce, issue des savoirs jardiniers, nous rappelle que la nature offre souvent ses propres solutions. Valoriser les feuilles de rhubarbe, c’est non seulement trouver une alternative gratuite et écologique aux produits chimiques, mais c’est aussi poser un autre regard sur les ressources insoupçonnées de notre environnement immédiat. Une belle manière de jardiner en intelligence avec la nature.