Parfois, un récit venu de notre propre région Bourgogne Franche-Comté, même s’il ne naît pas au cœur de nos villages bressans ou des rives de la Saône, porte en lui une force universelle qui nous saisit et nous invite à une profonde introspection. Le parcours de Sally Barollet, jeune Dijonnaise de 27 ans, est de ceux-là. Son histoire, marquée par la lutte contre une maladie incurable et le choix assumé d’une fin de vie digne en Suisse, dépasse l’anecdote pour toucher à l’essence même de ce que signifie vivre et choisir.

Un combat pour la vie

Atteinte du Naevus géant congénital, une affection rare et invalidante, Sally a traversé des années de complications médicales, d’opérations, et d’un épuisement physique croissant qui a fini par cantonner son existence à la gestion de ses fonctions vitales. Face à l’absence de perspective curative, elle n’a pas choisi la résignation passive, mais une affirmation de sa volonté : celle de “profiter de l’instant présent” tant que son corps le lui permettrait, puis de décider du moment de son départ. “Mon corps n’attend que ça, ça fait des années qu’il n’en peut plus,” confie-t-elle avec une lucidité qui force le respect.

Ce n’est pas un renoncement à la vie, mais peut-être une manière ultime de l’embrasser, en refusant une existence réduite à la survie. Sa démarche, partagée avec ses proches – un père qui respecte son choix, une mère pour qui l’acceptation est plus complexe – vise aussi à “décomplexifier la question de la mort”, à la rendre moins taboue.

Pourquoi un tel témoignage, venu de Dijon, devrait-il nous interpeller ici, en Bresse, en Saône-et-Loire ? Parce que les questions qu’il soulève  la dignité face à la maladie, le droit de choisir sa fin de vie, la manière dont notre société accompagne la souffrance incurable, notre propre rapport à la mort ne connaissent pas de frontières départementales. Elles traversent nos familles, nos communautés, nos propres réflexions intimes.

Dans nos territoires, où le lien social est souvent fort, où les valeurs de solidarité et d’entraide sont encore présentes, comment accueillons-nous la parole de ceux qui souffrent ?

Sommes-nous prêts à entendre ces choix ultimes, souvent mûris dans la douleur et la solitude ?

Le message de Sally, qui espère que “les gens apprendront plus à se rendre heureux eux-mêmes, à savoir ce qui les rend heureux, et à se donner les moyens d’être heureux, quoi qu’il arrive,” est une invitation puissante. Une invitation à valoriser chaque instant, à cultiver la joie simple, à ne pas attendre l’inéluctable pour se poser les questions essentielles.

Peut-être que ce courage, cette affirmation de soi face à l’adversité, cette quête de sens jusqu’au dernier souffle, peuvent nous inspirer, ici aussi, à vivre nos vies avec plus d’intensité et de conscience. L’histoire de Sally n’est pas seulement un drame personnel ; c’est un miroir tendu à notre propre humanité, un appel à la compassion et à une réflexion collective sur ce que signifie “bien vivre” et “bien mourir” dans notre société, y compris au cœur de nos campagnes bressanes et de nos villes de Saône-et-Loire.

Pour saisir pleinement la portée du parcours de Sally Barollet, il est utile de comprendre la nature du Naevus Géant Congénital (NGC), cette affection rare qui l’a accompagnée depuis sa naissance. Souvent décrit de manière simplifiée comme un “grain de beauté géant”, le NGC est bien plus complexe et peut engendrer des complications sérieuses tout au long de la vie.

Chez Sally, ce naevus couvrait une large partie de son corps le ventre et le dos et bien qu’opéré dès la naissance, ce sont les complications neurologiques associées qui ont progressivement miné sa santé. Elle a notamment souffert d’hydrocéphalie, une accumulation de liquide dans le cerveau perturbant sa circulation normale. De plus, des kystes, présents depuis sa venue au monde mais découverts tardivement à l’adolescence, exerçaient une pression sur sa moelle épinière. Malgré deux interventions chirurgicales, la progression de ces kystes s’est avérée inéluctable, impliquant la perspective de nouvelles opérations régulières et une dégradation continue.

Ces atteintes du système nerveux central sont des complications connues, bien que rares, du NGC, en particulier lorsque le naevus est de grande taille ou situé sur certaines parties du corps. Elles peuvent entraîner une variété de symptômes, allant de douleurs chroniques à des déficits neurologiques, et dans les cas les plus sévères comme celui de Sally, un épuisement physique et une altération profonde de la qualité de vie.

L’errance diagnostique et la rareté de la maladie ajoutent souvent une couche de difficulté pour les patients et leurs familles. Trouver des spécialistes capables de comprendre l’ensemble des manifestations et de proposer des prises en charge adaptées peut s’avérer un long parcours. Pour Sally, c’est une pédiatre au Royaume-Uni, spécialisée dans ces cas complexes, qui a finalement pu mettre des mots précis sur l’étendue de sa fatigue et confirmer l’absence de traitement curatif pour l’ensemble de ses atteintes.Cette réalité médicale, l’incurabilité des complications les plus invalidantes, est un élément clé pour comprendre la décision de Sally. Son choix, aussi difficile soit-il à appréhender pour certains, s’inscrit dans une confrontation lucide avec les limites de la médecine face à sa situation spécifique et à la dégradation progressive de son état, la menant à une fatigue telle que la simple gestion des fonctions vitales absorbait toute son énergie.